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Grande consultation des entrepreneurs - Bilan 2017

ÉCONOMIE : PUISQU’ILS LA FONT, ILS ONT LEUR MOT À DIRE

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ÉDITO

Pour la troisième année consécutive, CCI France a souhaité se doter d’un dispositif permettant d’appréhender la vision que les chefs d’entreprise portent sur leur environnement, leurs états d’âmes et leurs attentes de manière à pouvoir s’en faire le relais. Avec, cette année, 10 études réalisées sur un an et un rendez-vous mensuel avec la presse désormais institué, ce dispositif d’écoute et d’amplification a continué de se renforcer.

À travers une synthèse des 12 derniers mois, nous nous attachons à retracer la manière dont cette année a été vécue par les chefs d’entreprise et à comprendre comment les différents échéances et événements politiques qui l’ont ponctuée ont pu influencer le regard des dirigeants sur l’avenir de leur entreprise.

En fin d’année 2016, on observait une accélération de la croissance qui s’accompagnait    d’un certain optimisme de la part des entrepreneurs. Ils s’étaient montrés résilients face à ces douze mois particulièrement mouvementés aussi bien sur le plan géopolitique que social et environnemental. Toutefois, et Coe-Rexecode1 ne manquait pas de le noter en fin d’année, certains événements internationaux comme le Brexit et l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, étaient susceptibles de troubler cette reprise : les répercussions de ces « chocs exogènes seront le foyer des principaux risques de 2017 »2 précisaient-ils.

Outre ces événements non négligeables sur la scène internationale et européenne, un certain nombre d’élections et notamment celle de la présidence française, constituaient de sérieux facteurs de risques à mêmes de mettre en péril la foi de nos entrepreneurs dans l’avenir de leur entreprise, de l’économie française et de l’économie mondiale. Nous aurions pu craindre un essoufflement rapide de cette reprise.

En définitive, à la lumière des résultats de ce baromètre mensuel, l’année 2017 semble avoir conjuré le mauvais sort. Le regain d’optimisme est bel et bien présent et se raffermit jusqu’à atteindre des scores inédits.

Plusieurs facteurs ont contribué à ce climat de confiance et d’optimisme. D’abord la consommation des ménages qui suivait une pente ascendante, timide mais bien présente en décembre 2016, s’est confirmée en décembre 2017. Mais ce n’est pas tout. Les journalistes de The Economist ne s’y sont pas trompés en nommant la France « Pays de l’année ». L’accession au pouvoir sans partage d’Emmanuel Macron n’est pas étrangère à cet enthousiasme chez nos entrepreneurs. Son parcours dans le privé, ses discours où il exhorte à l’audace et valorise l’esprit d’entreprise, puis ses mesures visant à favoriser emploi et investissement ont vraisemblablement participé à l’avènement d’un tel état d’esprit.

En 2016, nous nous interrogions sur la capacité du gouvernement français à instaurer un climat de confiance et d’équité devant les mesures et dispositifs en faveur de l’emploi et sur les conséquences pour oser et innover et par extension prendre le risque de créer de l’emploi.

Fin  2017, ce climat de confiance semble en bonne voie de prendre racine. Reste  à savoir si celui-ci portera ses fruits et incitera effectivement les entreprises, quelle que soit leur taille, à se montrer audacieuses.

 

SYNTHÈSE

Le dispositif d’écoute initié par CCI France en 2015 à travers son forum « La grande consultation des entrepreneurs » et son baromètre devenu mensuel en 2016, a été reconduit pour la troisième année consécutive. Animé et conduit par l’Institut OpinionWay, ces deux outils ont pour ambition de recueillir et de porter plus haut le vécu des chefs d’entreprise.

Dans l’esprit des chefs d’entreprise, 2016 était une année marquée par une série de crises, mais également une année qui laissait entrevoir une embellie manifeste. Qu’en est-il de ces prémices de relance en 2017 ? Comment les dirigeants d’entreprise s’en sont-ils saisis ? Et quel a été l’impact de l’élection d’Emmanuel Macron sur l’état d’esprit de nos entrepreneurs ?

Sur ces douze derniers mois, la tendance semble avoir été au renforcement de la confiance en l’avenir pour les chefs d’entreprise. Les indices de confiance dans les perspectives pour son entreprise comme pour l’économie française et l’économie mondiale, enregistrent en 2017 des taux moyens supérieurs à ceux consignés jusque-là (pour leur entreprise, les scores      ont oscillé entre 59% et 71% quand ils oscillaient entre 52% et 70% en 2016 ; pour l’économie française, les scores ont varié entre 13% et 59% quand ils oscillaient entre 12% et 23% en 2016).

En 2017, les chefs d’entreprise se sont également montrés  en  moyenne  moins  enclins qu’en 2016 à envisager de réduire le nombre de salariés dans leur entreprise (scores entre    1 et 5% en 2017 quand ils s’établissaient entre 4 et 8% en 2016).

Toutefois ce n’est pas une hausse en continu de cette attitude positive et confiante que nous avons pu observer. Des pics notables d’attentisme, d’inquiétude comme des épisodes d’euphorie ont ponctué ces douze derniers mois. Les échéances électorales, et les annonces et mesures gouvernementales qui les ont suivies, semblent y avoir amplement participé.

ENTREPRISE : BULLETIN DE SANTÉ MITIGÉ

Malgré un environnement économique perçu comme encourageant, des chefs d’entreprise très partagés vis-à-vis de la santé de leur propre entreprise

Encore sous le coup des bonnes nouvelles de reprise nationale et européenne, les chefs d’entreprise se montraient, en tout début d’année, exceptionnelle- ment positifs vis-à-vis des perspectives pour l’économie française et mondiale (en janvier 2017 : respectivement 27%, +4 points et 34%, +12 points par rap- port à novembre 2016).

Toutefois, ce ressenti ne s’accompagnait pas systématiquement d’un opti- misme renforcé pour les perspectives de sa propre entreprise. Au contraire, deux états d’esprit opposés ont émergé. Les indépendants et dirigeants de TPE donnaient à voir un renforcement de leur inquiétude (37%, +8 points par rapport à novembre 2016) quand les chefs d’entreprise de 10 salariés  et plus se déclaraient davantage optimistes (41%, +5 points). De la même manière, 63% des chefs d’entreprise de moins de 10 salariés se montraient confiants vis-à-vis des perspectives de  leur  entreprise  en  janvier  2017  (-6 points par rapport à novembre 2016) quand pour les chefs d’entreprise de 10 salariés et plus ce sont 81% d’entre eux qui se déclaraient confiants (+8 points par rapport à novembre 2016). Les pronostics d’embauche en hausse, particulièrement élevés, révélés par l’Observatoire de la performance des PME-ETI en janvier 2017 témoignaient également de cette différence marquée entre l’état d’esprit de ces chefs d’entreprise (26% envisageaient d’embaucher au cours des 6 prochains mois3) et celui des indépendants     et des dirigeants de TPE, dont les pronostics d’embauche pour 2017 étaient à la baisse (-4 points).

Quelques semaines plus tard cependant, les dirigeants de TPE, comme de PME ou de plus grandes entreprises, s’accordaient à nouveau pour revenir sur leur confiance dans les perspectives de l’économie française comme mondiale. Sans doute le discours d’investiture de Donald Trump  qui faisait  la part belle au protectionnisme américain y a-t-il contribué. Début février, 77% des chefs d’entreprise évaluaient les premières actions du Président des Etats-Unis comme étant néfastes à l’économie européenne et mondiale. Et, quelle que soit la taille de leur entreprise, la confiance des dirigeants dans les perspectives de l’économie française et de l’économie mondiale perdait respectivement 5 et 6 points.

 

Indicateur de l’optimisme

 

ENTREPRENEURS, LES OUBLIÉS DES CAMPAGNES

Face à la teneur des campagnes électorales, des entrepreneurs déconcertés et inquiets

Mais Donald Trump n’a pas à lui tout seul signé l’effondrement de l’optimisme des entrepreneurs observé au cours du premier trimestre 2017 (-13 points entre janvier 2017 et mars 2017).

Les campagnes des candidats à la présidentielle ont participé elles aussi à l’installation d’un état d’esprit marqué par l’attentisme (+4 points en février et +13 points entre mars et avril à la veille du premier tour avec un score re- cord à 33%) et l’inquiétude (+11 points entre novembre 2016 et mars 2017).

Interrogés début mars, près de 20% des entrepreneurs estimaient qu’aucun des candidats pressentis n’avait un projet de politique économique pertinent,

n’était à l’écoute des préoccupations des dirigeants d’entreprise (18%), n’incarnait le changement en matière de politique économique (18%) ou encore n’était en mesure de réformer l’économie en France (20%). Plus de 20% d’entre eux ne savaient pas dire lequel des 5 candidats proposait le meilleur programme, les écoutait le mieux, ou saurait réformer. En définitive, ce sont plus de 40% des dirigeants qui ne se retrouvaient pas dans les programmes des candidats. Les chefs d’entreprise de 10 salariés et plus se montraient tout particulièrement déroutés avec 54% d’entre eux qui ne désignaient aucun candidat comme celui proposant le meilleur projet de politique économique pour la France.

En avril, alors que le scrutin approchait, les chefs d’entreprise se désolaient d’une seule voix du trop faible poids accordé aux problématiques de l’entreprise dans les discours des candidats : 92% estimaient que la situation des entre- prises avait été insuffisamment abordée.

 

DES ENTREPRENEURS MACRONPATIBLES ?

Des chefs d’entreprise ragaillardis par les victoires du mouvement En Marche ! et les premières annonces du gouvernement

On observait déjà, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, un début de retour de la confiance de la part des dirigeants. 67% d’entre eux se déclaraient confiants vis-à-vis des perspectives de leur entreprise (+8 points par rapport à la vague de mars) ; 29% se disaient optimistes et 27% confiants (+7 et +6 points). La persistance d’Emmanuel Macron en tête des sondages, phénomène rassurant par sa constance, a sans doute participé à cette dynamique.

Par la suite, la victoire à la présidentielle doublée de celle aux élections législa- tives du mouvement En Marche ! a littéralement bousculé les dirigeants gagnés jusque-là par une forme d’attentisme. Les périodes post-élections ont ainsi été marquées par un bouleversement de l’état d’esprit des entrepreneurs.

A l’issue de l’élection présidentielle, la part de dirigeants se déclarant confiants atteignait un taux inédit : 37%. L’inquiétude laissa sa place à l’optimisme qui pendant deux mois prit la tête des qualificatifs caractérisant le mieux l’état d’esprit des chefs d’entreprise (39%). Un mouvement observé aussi bien chez les dirigeants d’entreprise de moins de 10 salariés (en juin respectivement +9 et +10 points par rapport à la vague d’avril) que chez ceux de 10 salariés et plus (soit, en juin respectivement +17 points et +5 points par rapport à la vague d’avril).

De fait, dès le mois de mai, au sortir de l’élection présidentielle, les dirigeants se montraient satisfaits des résultats de ce scrutin : 80% estimaient que l’élection d’Emmanuel Macron était une bonne chose pour leur entreprise et pour l’économie française. De la même manière, ils étaient près de 70% à faire confiance au gouvernement d’Edouard Philippe pour mener à bien les réformes promises par Emmanuel Macron (69%). Après avoir eu le sentiment d’être mis sur la touche pendant la campagne présidentielle, les dirigeants estimaient, pour 70% d’entre eux, que ce gouvernement prendrait en compte leurs préoccupations. Ce regain d’enthousiasme à l’égard de la fonction prési- dentielle, du gouvernement et de sa prise en compte des préoccupations des chefs d’entreprise toucha particulièrement les chefs d’entreprise du secteur industriel (respectivement 88%, 83% et 79%) ainsi que les chefs d’entreprise de 10 salariés et plus (respectivement 88%, 79% et 83%).

Plus tard, à la fin du mois de juin, après un mois de gouvernance, Emmanuel Macron a conservé la confiance de la majorité des dirigeants. 75% se décla- raient satisfaits de son action en tant que Président et une part comparable se félicitait de l’obtention d’une large majorité à l’Assemblée nationale qui les autorisait à se projeter dans un avenir plus serein : pour 77% d’entre eux celle-ci devait permettre au Président de mener une politique favorable aux entreprises ; 74% estimaient que ce serait une bonne chose pour la croissance économique en France et 73% une bonne chose pour la mise en œuvre de la réforme du droit du travail. Les chefs d’entreprise de 10 salariés et plus étaient, à nouveau, plus positifs (+8 à +10 points par rapport aux entreprises de moins de 10 salariés).

 

FIN DE L’ÉTAT DE GRÂCE ?

Au lendemain des 100 premiers jours, les chefs d’entreprise font grise mine

Pour la deuxième année consécutive, la rentrée scolaire fut le théâtre d’une chute de l’enthousiasme pré-estival ; une dynamique qui contraste fortement avec l’élan soudain enregistré en septembre 2015.

Là encore, nous avons pu observer une corrélation forte entre l’actualité de la présidence d’Emmanuel Macron et l’état d’esprit des chefs d’entreprise.

D’un côté, notre indicateur de l’optimisme des chefs d’entreprise dégringolait pour se positionner à son niveau le plus bas depuis le début de ce baromètre : 97. En écho on trouve nettement moins de chefs d’entreprise qui qualifient leur état d’esprit d’optimiste (24%, -15 points par rapport à la vague précédente) et une recrudescence de l’inquiétude (37%, +9 points) et de la méfiance.

(33%, +5 points). La confiance en l’idée que ce sera mieux demain chute également (28%, -7 points) au profit du sentiment que c’était mieux hier (43%, +10 points). De la même manière, la confiance dans les perspectives pour l’économie française et l’économie mondiale s’effondre après avoir atteint des sommets en début d’été (respectivement -22 points et -25 points). Ce nouvel état d’esprit, dirigeants de TPE comme de PME ou de plus grandes entreprises, le partagent pleinement.

De l’autre, à la même époque, on observe un durcissement du regard que portent les dirigeants sur le Président. 44% d’entre eux expriment leur mécon- tentement vis-à-vis de son action (+23 points depuis juin 2017). Et vis-à-vis d’une série de mesures pourtant en phase avec leurs attentes en matière de simplification ils se montrent plus partagés : la suppression de deux normes pour pouvoir en adopter une nouvelle et la systématisation du principe de crash-test avant toute nouvelle mesure concernant les chefs d’entreprise re- cueillent respectivement 59% et 58% d’adhésion. Seul le principe « contrats de chantier » génère alors une adhésion forte de la part des dirigeants quelle que soit la taille de leur entreprise (78% y sont favorables).

Comment expliquer cette soudaine inquiétude des chefs d’entreprise et cette forme de désaveu d’une partie d’entre eux ?

Ce trouble s’inscrit dans une chute de popularité plus globale.

Tout d’abord, ce trouble c’est aussi celui des Français. La cote de popularité d’Emmanuel Macron en septembre dernier avait chuté dans les sondages. Les mesures impopulaires autour de la CSG ou du point d’indice des fonctionnaires, le discours de politique générale du Premier ministre rappelant les efforts à venir et remettant à plus tard une éventuelle redistribution, la série d’affaires qui a entrainé la démission de figures clés du gouvernement, voire les couacs ou du moins les hésitations de l’Assemblée nationale très renouvelée et par conséquent peu expérimentée, tout cela a contribué à ternir le bilan des 100 premiers jours du Président.

Pas si simple de simplifier !

Les mesures de simplification à destination des entreprises promises dès l’été avec notamment la mise en place du droit à l’erreur n’avaient pas vu le jour en septembre et étaient reportées à la rentrée. Cette simplification, évaluée en juin dans notre baromètre, représentait pour près de 80% des chefs d’entre- prise un soulagement dans leur gestion au quotidien de leur entreprise (79%). Parvenir à tenir cette promesse aurait sans doute constitué un symbole fort pour les chefs d’entreprise.

 

Le droit à l’erreur pour les entreprises

La réapparition de tensions sociales à l’annonce du contenu des ordonnances de la loi Travail.

Jeudi 31 août, le gouvernement présentait le contenu de ses ordonnances. S’en sont suivies des crispations fortes entre les syndicats et le gouvernement. Des mouvements de contestations furent programmés et selon le Secrétaire général de la CGT, la mobilisation avait toutes les raisons d’être importante. On comprend, alors, la montée de l’inquiétude des dirigeants, échaudés par les précédents mouvements sociaux et blocages subis en 2016.

Ce contexte apporte également un éclairage sur le regard qu’ils portent sur l’ordonnance légiférant sur les indemnités prudhommales : début septembre 37% des dirigeants se déclarent opposés à cette mesure, 58% parmi ceux du secteur industriel. En face, l’opposition catégorique de quasiment tous les syndicats à cette mesure rejoint l’hostilité de l’opinion publique à son égard. Cette

« barémisation », hautement symbolique semble cristalliser le déséquilibre, ressenti par 65% des dirigeants, entre les mesures favorisant la flexibilité et celles favorisant la sécurité des salariés. Or, en ce début du mois de septembre, cet équilibre apparait précieux à préserver pour assurer la paix sociale.

 

RETOUR AU BEAU FIXE EN HIVER

Sur le dernier trimestre, les chefs d’entreprise regagnent en confiance.

Fin septembre, les décrets de la loi travail sont signés et la protestation sociale a fait peu d’émules. On perçoit ainsi dès le début du mois d’octobre une forme de soulagement chez les dirigeants. Ils se sentent davantage confiants (37%, +5 points) et davantage optimistes (30%, +6 points).

Le plan d’actions pour l’investissement et la croissance

C’est aussi à cette période que le Premier ministre posa les jalons d’un plan d’action pour l’investissement et la croissance des entreprises. Réduction des cotisations patronales et baisse de la fiscalité étaient au programme : deux attentes que l’on sait particulièrement fortes au sein des entreprises. En avril 2017, dans la lignée des précédentes études de 2016, la baisse de la fiscalité des entreprises figurait en toute première place des priorités du futur Président et mettait d’accord les entreprises quelle que soit leur taille.

 Jugement sur le plan d’actions pour l’investissement et la croissance des entreprises

Ainsi, sans surprise, en octobre plus des deux tiers des chefs d’entreprise jugeaient bons pour leur entreprise la baisse progressive du taux d’imposition sur les sociétés à 25% (70%) et le remplacement du CICE par un allègement général des cotisations patronales (69%). A nouveau, en effet, les chefs d’entreprise de 10 salariés et plus se montraient particulièrement positifs à l’égard de ces mesures : 89% plébiscitaient la baisse de l’IS et 80% l’allègement des cotisations.

Non seulement les mesures de ce plan d’action sont appréciées pour ce qu’elles sont mais elles le sont également pour leurs effets sur l’économie en général. Selon 44% des chefs d’entreprise, elles permettront de relancer l’investisse- ment en France et pour 28% d’entre eux de créer des emplois.

Nous sommes bien loin du regard que portaient et que portent encore les chefs d’entreprise sur le bilan des réformes économiques engagées par le précé- dent gouvernement. Interrogés en décembre dernier sur les effets du choc de simplification mis en place sous la présidence de François Hollande, 90% des dirigeants jugeaient que celui-ci n’avait en aucun cas facilité leur vie quotidienne. De la même manière, interrogés sur le bilan de François Hollande en octobre 2016, 11% estimaient qu’il avait eu un effet positif sur la modernisation de l’économie et 7% sur la relance de l’emploi. On mesure ici l’écart d’appréciation entre ces deux présidences.

Une convergence fiscale et sociale pour l’Europe

Fin septembre, se tint aussi le discours du Président à la Sorbonne au cours duquel il réaffirma sa position sur ce vers quoi doit tendre l’Europe. Son projet d’une Europe favorisant entre autres la convergence fiscale et sociale, symbo- lisée notamment par la redéfinition de la directive « travailleurs détachés », résonne ce jour-là avec les attentes formulées par les dirigeants en février dernier.

Interrogés sur les carences actuelles de l’Union européenne, à l’approche des 60 ans de l’UE, 52% des dirigeants pointaient du doigt l’absence d’une véritable politique sociale commune, avec convergences des législations en matière d’emploi, de protection sociale et de conditions de travail. La convergence fiscale, si elle était moins attendue par les dirigeants d’entreprises   de moins de 10 salariés (elle occupe la cinquième place avec 36% de dirigeants qui la citent, derrière la nécessité d’un projet politique fort et ambitieux ou le manque de légitimité électorale du président de la Commission), l’était en revanche par les dirigeants d’entreprises de 10 salariés et plus (avec 47% d’entre eux qui la citent, elle occupe la deuxième place parmi les carences principales de l’UE pour cette population).

Le Plan Investissement Compétences

Plus tard, en novembre, Emmanuel Macron continue de gagner des points. La réforme du travail détaché est enclenchée, la loi Travail existe bel et bien et le gouvernement continue d’égrener des annonces qui font mouche.

Le Plan Investissement Compétences en fait partie. Les dirigeants, très en phase avec le discours d’Emmanuel Macron sur la nécessité d’investir dans la formation des actifs, positionnaient dans notre vague d’avril, en tout premier frein à l’avènement de l’Industrie du futur en France, le manque de formation, et ce quels que soient la taille de leur entreprise ou leur secteur d’activité. En juin, ils appelaient également de leurs vœux, pour 40% d’entre eux et 57% des entreprises de 10 salariés et plus, une simplification du système actuel de la formation professionnelle, qui avec ses multiples entrées complexifient l’accès à la formation. Dans ce Plan Investissement Compétences, cette question tient également une place importante qui devrait satisfaire ces attentes.

Plus tard, en novembre 2017, interrogés sur des mesures visant à rendre les entreprises davantage actrices et responsables de la formation de leurs salariés, les chefs d’entreprise faisaient part d’une adhésion générale sans précédent : 94% des dirigeants estimaient bon de pouvoir choisir à quel établissement l’on pourra verser sa taxe d’apprentissage et 92% de pouvoir orienter une partie des fonds de la formation professionnelle vers des acteurs qui pourraient effectivement accompagner leurs salariés dans la gestion de leur parcours professionnel.

Découle de l’ensemble de ces annonces et des plans d’action l’instauration d’un état d’esprit de plus en plus confiant et optimiste (respectivement +4 points et +4 points par rapport à octobre). Début novembre, cela ne se traduit cependant pas encore par un niveau de confiance élevé dans les perspectives pour leur entreprise ou le souhait d’embaucher.

En fin d’année, les entrepreneurs affichent un moral au beau fixe

Comme en fin d’année 2016, notre étude réalisée début décembre 2017,  à une période traditionnellement dédiée aux chantiers de l’année à venir,  se fait le relais d’une attitude particulièrement positive des entrepreneurs français, quelle que soit la taille de leur entreprise.

Cette dynamique s’inscrit dans un contexte particulièrement encourageant. Les derniers indicateurs rendent compte d’une consolidation de la croissance économique dans l’Union européenne. Pour 2018, les prévisions de croissance récemment publiées par Coe-Rexecode et l’OFCE indiquent que le PIB progresse- rait de 1,6%4 selon les premiers et de 1,7%5 selon les seconds. Ainsi l’optimisme est-il de mise pour les économistes. Et ce ne sont pas les seuls. Les ménages également se montrent plus confiants comme l’indique l’Enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages en novembre 20176 : « en novembre, les ménages sont nettement plus optimistes sur leur situation financière future : le solde correspondant gagne 5 points ».

La suppression progressive de la taxe d’habitation, la possibilité de toucher des indemnités chômage en cas de démission, l’augmentation des montants mini- mum des indemnités légales de licenciement, le plan d’investissement pour la formation des chômeurs, la sur-taxation des entreprises ayant un recours excessif au CDD : ces différentes mesures à destination des contribuables et des actifs ont probablement participé à cette dynamique. Les dirigeants, quant à eux, ont bien identifié cet effort d’équilibrage entre les mesures en faveur de la sécurité des salariés et celles en faveur de la flexibilité pour les entreprises : pour 42% des dirigeants (+15 points par rapport à la vague de septembre 2017), la politique économique du gouvernement est équilibrée. Ces mesures renforçant le niveau de sécurité des salariés sont plutôt bien accueillies bien qu’elles ne fassent pas l’unanimité : en novembre la majorité des entreprises du secteur du commerce et les entreprises comptant 10 salariés et plus voient d’un mauvais œil la sur-taxation pour recours excessif aux CDD (respective- ment 53% et 61% estiment que c’est une mauvaise chose contre 41% de l’en- semble des dirigeants interrogés) et en octobre 56% des dirigeants du secteur industriel se sentent en danger face à la possibilité pour leurs salariés de re- cevoir des indemnités en cas de démission (contre 32% de l’ensemble des dirigeants interrogés). En définitive, même si un équilibre est davantage perçu, ils sont encore une majorité à considérer que la politique économique du gou- vernement leur est favorable (53%).

Cette attitude particulièrement positive se traduit cette année par une satisfaction forte vis-à-vis de la situation actuelle d’une part et des niveaux de confiance jamais atteints d’autre part.

Le sentiment nostalgique que « c’était mieux hier », après avoir atteint des sommets en avril (48%), est en net recul depuis la mesure du mois d’octobre (30% en octobre et en décembre), un taux jusque-là jamais observé. L’installa- tion de cette tendance se fait essentiellement au profit d’un regard nettement plus positif sur la situation actuelle : en décembre 2017 45% des chefs d’en- treprise estiment que « c’est très bien en ce moment ». En novembre 2016, ils n’étaient que 35% et il s’agissait du taux le plus élevé enregistré depuis le démarrage de ce baromètre.

En décembre 2017, nous enregistrons un nouveau record de la confiance dans les perspectives de son entreprise (71%, +5 points par rapport au mois de novembre). Ce mouvement touche aussi bien les indépendants que les diri- geants de TPE ou d’entreprises de plus grande taille. Et toujours en décembre, 42% des chefs d’entreprise interrogés sur leur état d’esprit actuel se déclarent confiants. En 2016, ce taux atteignait au mieux 28%.

Ainsi, en cette fin d’année, plus que l’optimisme et la croyance en un avenir plus radieux, les chefs d’entreprise semblent célébrer leur situation actuelle. En résulte, pour notre indicateur d’optimisme, un taux élevé et supérieur à ce- lui observé en novembre 2016 (115, +9 points par rapport à novembre 2016), mais encore inférieur au taux le plus élevé enregistré : 130 en septembre 2015. On observe également un taux de chefs d’entreprise estimant que « ce sera mieux demain » sensiblement inférieur au taux observé à la même époque en 2016 (25%, -6 points par rapport à novembre 2016).

Il semblerait cependant que cette attitude très centrée sur la situation actuelle ne soit pas un frein à la projection dans l’avenir. Elle semble même propice à celle-ci : 7% des entrepreneurs envisagent d’augmenter le nombre de salariés dans leur entreprise (+3 points).

Et les entrepreneurs portent un regard de plus en plus constructif sur l’innovation.

Dans un contexte aussi agité sur le plan réglementaire et fiscal, les dirigeants en 2017 n’étaient pas dans les meilleures conditions pour se sentir audacieux. Et cela s’est effectivement vérifié. Il s’agit de l’état d’esprit le moins partagé par les chefs d’entreprise cette année et il le fut en moyenne moins qu’en 2016, la part de dirigeants se sentant audacieux oscillant entre 4 et 11% en 2017, quand en 2016 elle oscillait entre 7% et 15%.

Toutefois, on observe, en moyenne sur l’année, un regard globalement plus positif sur l’innovation. La part de dirigeants jugeant qu’il s’agit avant tout d’un investissement a oscillé entre 39% et 52% quand en 2016 elle oscillait entre 33% et 40%.

En décembre 2017, 46% des dirigeants conçoivent l’innovation comme un in- vestissement plutôt que comme une prise de risque, une condition de survie ou un mirage. Ce regard porté sur l’innovation positionne les dirigeants en acteurs positifs : un bon début pour envisager de rechercher l’innovation et d’y consacrer des moyens.

Alors que l’opinion générale tend à faire état d’un éco-système mondialisé dans lequel les Etats perdent progressivement toute influence, ce baromètre mensuel nous a permis à nouveau de constater combien, dans notre pays du moins, des élections et une présidence en mouvement peuvent jouer un rôle majeur sur l’état d’esprit des chefs d’entreprise et leur dynamisme.

En cette fin d’année, ce jeu d’influence aura permis d’instaurer un climat de relative confiance entre le gouvernement et les entrepreneurs. Cependant l’an- née 2017, avec les incertitudes liées au processus électoral et la mise en place dynamique mais nécessairement chronophage de la politique du gouverne- ment, n’a pas permis une installation suffisamment précoce de ce climat pour pouvoir en récolter déjà les bénéfices : une capacité à se projeter, à se montrer audacieux et à investir.

Ce nécessaire climat, il faudra donc le préserver et l’alimenter. Les indépen- dants et les dirigeants de TPE, classiquement plus fébriles et en conséquence moins enthousiastes et emportés par le vent positif de cette fin d’année au- ront besoin que le mouvement en cours de sécurisation de leurs parcours se confirme et s’amplifie. La gestion de la suppression du RSI, en particulier, né- cessitera sans doute une attention particulière.

Pour 2018, de belles conditions semblent réunies : un état d’esprit op- timiste, un engouement fort pour la politique économique du Président, les promesses de stabilité fiscale émises par le gouvernement, des réductions de charges accessibles à tous. Tout cela devrait participer à faciliter pour les entre- preneurs la prise de risque et l’audace, tant plébiscitée par Emmanuel Macron.

Il s’agira d’évaluer si les entrepreneurs sauront et pourront, dans ces condi- tions, franchir le pas entre la positivité et la mise en action.


1. Coe-Rexecode ou Centre d’observation économique et de Recherche pour l’Expansion de l’économie et le Développement des Entreprises est un Institut d’études économiques français (http://www.coe-rexecode.fr/)

2. Bilan de l’année économique et financière 2016 : résilience et amorce de normalisation, janvier 2017, http://www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Perspectives-economiques-et-Bilan-de-l-annee/Bilan-de-l-annee/Bilan-de-l-annee-economique-et-financiere-2016-resilience-et-amorce-de-normalisation.

3. Observatoire de la performance des PME/ETI – OpinionWay / Banque Palatine pour Challenge, sondage réalisé par téléphone du 2 au 13 janvier auprès d’un échantillon de 302 dirigeants de PME et d’ETI

4. Source : http://www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Documents-de-travail/Perspectives- France-2018-premieres-reformes-structurelles-dans-un-contexte-favorable

5. Source : https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf-articles/actu/OFCE-Perspectives-Economiques-2017-2019.pdf 

6. Source : Insee, enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, novembre 2017 https://www.insee.fr/fr/statistiques/3278039


Contacts

CCI France

Béatrice Genoux

b.genoux@ccifrance.fr

 

OpinionWay

Éléonore Quarré

equarre@opinion-way.com

Béatrice Genoux, 23 janv. 2018

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